La Révolution française de 1789 ne surgit pas du néant, mais s'enracine dans un long processus de transformation intellectuelle qui débute dès la Renaissance aux XVe et XVIe siècles. Cette période marque une rupture fondamentale avec l'obscurantisme médiéval : la redécouverte des textes antiques, l'humanisme et les grandes découvertes géographiques replacent l'homme au centre de la réflexion et ouvrent la voie à une pensée critique de l'ordre établi. La Renaissance affirme la capacité de l'être humain à comprendre le monde par la raison et l'observation, posant ainsi les fondements d'une remise en question de l'autorité divine et monarchique qui dominait jusqu'alors la société.
Le siècle des Lumières au XVIIIe siècle amplifie et radicalise cet héritage en développant une pensée philosophique et politique qui conteste directement l'absolutisme royal et les privilèges de l'Ancien Régime. Les philosophes comme Voltaire, Rousseau, Montesquieu et Diderot diffusent des idées révolutionnaires sur la liberté, l'égalité, la séparation des pouvoirs et la souveraineté populaire. Leurs écrits, largement diffusés par l'Encyclopédie et les salons, forgent une opinion publique éclairée qui aspire à un nouvel ordre social fondé sur la raison plutôt que sur la tradition. Ces idées des Lumières fourniront le socle idéologique de la Révolution française, transformant les aspirations intellectuelles en action politique concrète et bouleversant définitivement l'ordre européen.
Entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XXe siècle, l'Europe et particulièrement la France ont connu des transformations profondes qui révèlent un paradoxe historique majeur : alors que la Révolution française proclame les droits universels de l'homme et du citoyen en 1789, elle ouvre simultanément la voie à l'une des plus vastes entreprises de domination coloniale de l'histoire. Comment concilier les idéaux émancipateurs de liberté, d'égalité et de fraternité avec la réalité de l'asservissement et de l'exploitation de populations entières ? La révolution industrielle transforme parallèlement les sociétés européennes et crée de nouveaux besoins économiques qui alimenteront l'expansion coloniale du XIXe siècle.
Nous examinerons comment la construction de l'identité nationale française, notamment à travers la réflexion de Renan, a coexisté avec l'expansion de l'empire colonial français en Amérique du Nord, en Afrique et en Asie. Nous analyserons comment la France et la Belgique ont justifié leurs conquêtes par une prétendue "mission civilisatrice", utilisant la culture, l'instruction et la langue comme instruments de domination. Cette étude critique nous invite à comprendre comment les idéaux républicains ont coexisté avec la négation des droits des peuples colonisés, et comment ces contradictions continuent d'influencer notre présent.
